Le jardin à Noël
De qui d'autre parler à Noël que du célèbre sapin associé ? Sans éviter la star, je vous parle aussi de la rose de Noël ou de l'hellebore noire, ou encore des fruits de l'arbousier surnommée les fraises de Noël.
Vous avez dit Sapin ?
Jadis, on avait regroupé dans les Conifères, grand groupe botanique issu du fond des temps, les Sapins avec les Pins, puis avec les Mélèzes.
Les Mélèzes ont ensuite été tenus à part, ce qui nous arrange car ils perdent magnifiquement leurs aiguilles devenues dorées à l'automne, alors en Sapin de Noël, pas d'avenir…
Les Pins sont un monde à eux seuls : l'Amérique du Nord en est très riche, même en zone désertique ou ils forment des bonsaïs grandeur nature, les pays méditerranéens, voire tropicaux aussi, et notre Pin sylvestre n'est pas mal non plus avec son tronc roux et noueux. L'odeur des pins maritimes, sur les sables chauds d'été dans les dunes, n'est pas mal non plus…
Mais changeons de saison pour revenir en hiver, dans le froid, à nos Sapins. Ils sont de 3 sortes, les Abies, les Picea et les Tsuga, tous avec un tronc incroyablement droit, quoi qu'il arrive, et pourvus de feuilles appelées aiguilles.
l'Abies, Abies pectinata précisément, dit Sapin pectiné ou Sapin blanc, Sapin argenté, Sapin commun, etc est un arbre de croissance extrêmement rapide, qui garnit quelquefois abondamment nos forêts européennes. Ce n'est pas le plus connu, même si son usage en Sapin de Noël est fréquent, avec ses aiguilles marquées de deux lignes blanches au revers. Et les Tsuga ne sont pas européens.
Mon beau Sapin, Roi des forêts, est le Picea, Picea abies précisément, que l'on nomme Epicea. Bref, le Sapin qui orne nos pistes de skis et que l'on retrouve à la veillée, enguirlandé et orné d'une étoile brillante ! Car de 1300 à plus de 2000 m, des Alpes aux Pyrénées, et une grand partie de l'Europe, il couvre nos montagnes, là où les feuillus renoncent, incapables de pérenniser l'espèce dans ces altitudes. C'est lui que naguère, pour ne pas dire jadis, on allait prendre en forêt; hache à la main, pour proposer au chaland quelques jours avant Noël. Avec ses guirlandes, il est symbole - presque logo -d'une fête de Noël qui a besoin de s'installer à l'ombre de sa stature immuable, avec ses épines fraîches puis séchées qui tombent dans des senteurs inoubliables, qui nous rappellent toujours l'enfance. Qui tombent, disions-nous? comment supporter une telle négligence ! peut-on éviter cela ?
Heureusement il y avait le "nordmann". Comme les Tsuga et son frère Abies Douglasii, recordman du monde de hauteur et de tour de taille, du côté de l'embouchure du Saint-Laurent, Abies Nordmanianna est originaire d'Amérique du Nord. Car ce Sapin de Nordmann, "nordmann" pour les connaisseurs, a la bonne idée de garder ses épines, même en état de mort clinique. On le croit encore vivant, même longtemps après la fête. Son prix s'en ressent, non seulement pour valoriser ses qualités, mais parce que sa croissance est plutôt lente et la production encore faible. Il est propre certes, un peu bleuté et non piquant, majestueux avec son port large et de longues aiguilles, mais il ne sent quasiment rien car justement il sèche peu. En gros, au lieu de ne garder ses épines qu'une semaine, le nordmann résiste en conditions confinées plus de deux semaines.
Ces deux géants, à l'état sauvage, ont une silhouette comparable, le premier plus sombre, le second plus bleuté, presque glauque.
Et voici que vient le Nobilis, Abies nobilis, qui ne pique pas et ne perd pas ses aiguilles, et sent bon l'Epicea ! à suivre…
En tout cas, ne vous inquiétez pas, ni avec notre traditionnel Epicea, ni avec nos Sapins améliorés nordmann et nobilis, vous ne contribuerez pas à la déforestation de la planète. Nos compagnons de la fête sont cultivés spécialement pour ça, mais c'est une autre histoire…
Le Sapin d'élevage
Comme nous le pressentions dans notre chapitre de présentation du Sapin, la culture du Sapin fait gagner en rigueur ce que l'on perd en poésie.
Les besoins commerciaux et le souci de notre environnement ont conduit à la culture intensive du Sapin. D'ailleurs cette culture industrielle permet également des prix de plus en plus bas pour des arbres de qualité optimale, bien feuillus et frais. Alors comment en est-on arrivé là ?
Les coupes sauvages en forêt, autorisées pour la première fois en Alsace au XVIè siècle, ne pouvaient se développer davantage pour plusieurs raisons. Citons en vrac le développement des besoins incompatible avec le renouvellement des forêts, les coûts d'exploitation et d'acheminement beaucoup trop élevés en regard des prix de vente et le besoin d'obtenir un "produit" homogène, standardisé et même normalisé.
Les Sapins sont cultivés en plein champ; presque comme du maïs ! mais on les sème d'abord en pépinière, à l'abri des grands froids, car les petits plants sont fragiles. Ensuite on les replante en rang, à la queue leu leu, espacés juste de quoi laisse passer le tracteur qui apportera l'engrais et assurera le déherbage. En deux ou trois saisons de pousse on obtient un plant commercialisable, tout au moins pour un Épicéa. Pour le NordMann il faudra patienter quelques années de plus, ce qui explique son prix : environ dix ans depuis le semis. La vitesse de pousse et la bonne luminosité apportée à chaque plant dans ces pépinières d'élevage permettent notamment une rectitude de tronc impossible à atteindre dans la nature.
Les arbres en pot, en "conteneur", doivent faire l'objet d'une culture séparée. En plein champ dans leurs premières années, ils sont préparés ensuite à la vente en conteneur de façon à reprendre à coup sûr au jardin après leur passage en intérieur autour du 25 décembre.
On en cultive ainsi 6 millions environ, soit 1 pour 10 habitants. Ce qui signifie que seulement 1 foyer sur 3 en achète pour Noël.
La rose de Noël
Dans le langage courant, on évite les noms latins réservés à la botanique au profit de sobriquets plus parlants. Mais ce qu'on gagne en facilité conduit à des confusions. La Rose de Noël en est un exemple.
L'hellebore noire
Elle a un côté mythique, la Rose de Noël. C'est l'Hellebore noire, Helleborus niger, qui a la bonne idée de fleurir pour Noël, qu'il vente ou qu'il neige. Autrefois on l'appelait aussi Rose d'hiver, Ellébore ou Ellébore à fleurs roses. Tantôt masculin, tantôt féminine, noire sans même que la botanique nous explique pourquoi, voilà une plante bizarre jusque dans ses mœurs hivernales.
Elle est vraiment belle, avec ses gros boutons nacrés qui émergent en crosse au cœur de feuilles vert foncé, coriaces et brillantes, à leur aise dans éléments déchaînés. Les fleurs en bouton juste éclos peuvent être mises en vase pour la fête, ou elles dureront très longtemps. En fin d'hiver, il restera des fleurs restées au jardin les pétales dénaturés et la corolle du pourtour, et elles feront alors d'originales fleurs séchées vertes puis mordorées, comme l'hortensia. L'été l'Hellebore se fait discrète, ne gardant que quelques feuilles bien ternes dans ces chaleurs qu'elle déteste, préparant incognito sa floraison hivernale unique. Elle fleurit même à l'ombre, supporte la sécheresse et la calcaire : une nature. Une seule précaution. Ne la bougez pas l'hiver. En pleine période de reproduction (!), cette solide bestiole ne s'en remettrait pas.
On en trouve maintenant des variantes de couleur, qui sont en fait d'autres espèces, comme la rouge H. purpurascens, dont le feuillage plus étroit. D'autres vivaces sont proposées à la vente en godet chez les spécialistes, toutes dotées d'un feuillage ample et de fleurs bizarres qui attirent forcément l'attention.
Enfin dans la campagne, vous croiserez en fin d'hiver une cousine, l'Hellebore fétide (Helleborus foetidus), au bord des chemins et dans les éboulis, avec ses drôles jaune acide.
Les fausses roses de noel
Au moment de Noël arrivent aussi le Poinsettia, Poinsettia pulcherrima. Pour éviter ce nom difficile, son surnom est souvent Etoile de Noël, qui dérive quelquefois malencontreusement en Rose de Noël.
Cette sorte d'Euphorbe émet de grandes bractées qui ressemblent à des fleurs : rouge "Noël" au départ, on en trouve maintenant des blanches et même des roses. Elle se garde longtemps en intérieur, jusqu'à perdre toutes ses feuilles mais pas ses bractées… il faut alors la rabattre si vous tenez absolument à le conserver, car sachez que le Poinsettia bien souvent subit un traitement pour avoir cette belle silhouette.
Son nom latin imprononçable (il faut dire "Poinsesia") nous a valu au cinéma une savoureuse réplique de Jean Rochefort, se mordant les doigts d'avoir acheté hors de prix un "Poinsettia pulcherrima" qu'il n'aura même pas la joie d'offrir : mais au fait, dans quel film était-ce ?
Il ne risquait pas non plus d'offrir une autre fausse Rose de Noël, le timide Perce-neige, Galanthus nivalis, qui n'est ni étoile ni rose de Noël car il fleurit à travers la fonte des dernières neiges, en février.
De rose en étoile, quittons la rose pour suivre l'étoile, l'Etoile de Bethléem, qui est son surnom outre-manche. C'est l'Ornithogale ou Ornithogalum dubium. Une frêle bulbeuse pleine d'avenir, vendue jusqu'à présent en fleur coupée et que l'on trouve maintenant de plus en plus en potée fleurie, à partir de janvier, comme pour fêter l'arrivée des rois mages !
S'occuper de son sapin
Transporter son sapin
Un voyage qui ne manque pas de piquant. En effet les aiguilles se nicheront partout, se piqueront dans la moquette et les sièges, même avec le plus frais des sapins : une horreur ! Il faut prévoir le transport de notre ami AVANT de partir. Munissez-vous d'un grand plastique, ou mieux d'une de ces grandes bâches à travaux, qu'il suffira de déplier au retour. Ainsi notre sapin, mis en filet ou ficelé sera déposé sans encombre et sans laisser de traces.
Choisir son sapin
Pour les arbres coupés, on repère à la fraîcheur du feuillage si la coupe est récente : les aiguilles sont brillantes, il en manque peu. Un arbre "de la veille" aura perdu nombre d'épines le long du rameau, sa teinte est plus terne.
Pour les arbres en pot, il faudra distinguer le sapin arraché et remis en conteneur - ce qui ne fera que retarder l'issue fatale avec de faux espoirs de reprise ultérieure- et le sapin cultivé depuis la naissance dans cet esprit, exactement comme les autres arbres de pépinière et de jardineries, destinés à être replantés en toute saison. Pour le savoir, un examen de la forme du conteneur en plastique permettra de séparer le bon grain de l'ivraie : forme régulière, sans déformation, ou l'on voit que de grosses racines n'ont pas été rentrées de force dans le pot, et un "dépotage" facile, avec des racines tapissant légèrement le tour de la motte. Toutefois sa survie à l'intérieur est aléatoire, même si vous l'avez choisi petit. Vous pouvez plutôt l'installer directement sur le balcon ou la terrasse, ou devant la porte de votre maison, avec tous ses ornements, y compris ces guirlandes blanches d'extérieur à petites ampoules qui font merveille.
Tant qu'à choisir un sapin en pot dans le but de le replanter, vous pouvez choisir un type sophistiqué en pépinière ou en jardinerie, avec un autre budget :
- Picea abies Remontii vert foncé et bien conique,
- Picea glauca conica du Canada vert clair,
- Picea omorika nana vert vif et ventru,
- Picea pungens bleuté. À propos de bleu, certains pins font l'affaire, Pinus pumila en tête.
L'installation
Un sapin, coupé ou non, ne devra pas rester plus de 10 jours à l'intérieur. Si rien ne presse pour le décorer, laissez-le sur le balcon, le plus possible à l'abri des courants d'air et du soleil. Sauf s'il gèle. En effet le gel déshydrate en profondeur et la "décongélation" en passant à l'intérieur sera meurtrière et l'effet immédiat : chute des aiguilles. Libérez ses branches des liens le plus vite possible après l'achat, afin qu'elles s'étalent et reprennent leur forme naturelle.
Pour le sapin coupé, il faut tremper le tronc dans l'eau et au préalable rafraîchir la coupe, c'est à dire la refaire avec une scie fine, scie à métaux par exemple, quelques cm au-dessus. Cela permet de restaurer les vaisseaux par lesquels l'eau va progresser jusqu'aux aiguilles. Vous fixerez le tronc au pied de votre mieux (c'est la tâche la plus ingrate de Noël !), en prévoyant donc de faire tremper la base en permanence dans un peu d'eau. Vous ornerez cette base avec du papier de Noël froissé, par exemple.
Pour le Sapin en pot, vous vous contenterez aussi de garnir la base, à défaut de la dissimuler.
L'emplacement a son importance : pas dans le passage (cela fait tomber les aiguilles et gare à la résine !), pas près du radiateur, surtout pas dans l'axe de la cheminée. Attention car le Sapin, imprégné de résine et de plus en plus sec, s'embrase comme une torche.
Prévoyez en tout premier, selon votre sol, de le recouvrir d'un tapis ou autre joli revêtement pour faciliter le nettoyage d'après Noël ! Autrefois des tapis décorés étaient vendus pour ce seul usage. Cette tradition est à réinventer, bien que plus pratique et moins décoratif réapparaît aujourd'hui avec le Sac à Sapin ! Lancé par l'Association Handicap International, il est génial de simplicité : on l'installe par terre en même temps que le sapin, et hop ! après Noël c'est emballé, pas une aiguille qui traîne.
L'entretien
Des brumisations légères (guirlandes débranchées !) permettront de tenir le feuillage à l'abri de la déprime. La base du tronc, ou le pot, seront arrosés chaque jour un peu. Surtout pas d'engrais pour l'arbre en pot, même comme gâterie le soir de Noël :cela brûlerait les racines.
La sortie
Après les fêtes, le Sapin coupé est plus que jamais mort. On évacue la dépouille par morceaux en sac-poubelle, ou en sacs spécialement prévus à cet effet depuis quelques années.
Le Sapin en pot, quant à lui, n'est plus vraiment rutilant dans cet habitat de passage, mais en vie. Le Nordmann aura mieux supporté le choc, au moins en apparence. Conserver le Sapin pour Noël suivant est illusoire, à moins d'enfouir le pot à ras du tronc, dans un emplacement à mi-soleil, ou l'on sera sûr de n'oublier aucun arrosage pendant 12 mois !
La plantation
Sinon le mieux est de mettre à profit une journée douce pour la plantation définitive, en prévoyant un emplacement éloigné de la maison. Mieux vaut préparer le trou de plantation longtemps à l'avance. Ajouter à la terre du trou un peu de terreau de rempotage plutôt que du fumier composté un peu indigeste. Si votre sapin est volumineux, attachez-lui encore les branches. Piquetez solidement à 45° un tuteur en pin traité à l'autoclave, en le liant solidement et souplement au tronc, avec une vielle chambre à air de vélo par exemple. Et notez quelque part l'année, vous aurez plaisir à vous en souvenir. Petits jardins s'abstenir, on ne taille pas un Sapin !
Que faire des aiguilles ?
Si vous n'avez pas prévu de jeter votre sapin dans un "sac à sapin" de HANDICAP INTERNATIONAL, gardez les aiguilles. Vous les répandrez, avec de petits bouts de branche, là où les chats grattent votre jardin : ils détesteront longtemps !
Le houx : depechez-vous !
Pourquoi se presser ?
Pour passer avant les merles.
Avec les grands froids et surtout la neige qui a recouvert le sol précocement, les fruits du houx sont parmi les rares victuailles encore disponibles ! Et les merles sont les convives inévitables, laissant des branches plus vertes que rouges !
Mâle ou femelle ?
Leur sexualité n'est pas une légende, bien que ce sujet (passionnant !) soit rarement abordé.
Le Houx commun que l'on trouve dans nos forêts, porte en général des fleurs unisexuées, c'est-à-dire qu'elles sont ou bien mâles, ou bien femelles, sur le même arbre. Ce qui n'est pas toujours vrai, mais enfin, c'est le cas général. On trouve donc des Houx de type mâle, et des Houx de type femelle. Voilà pourquoi il est vrai que certains pieds ne donnent pas de fruits, et surtout pourquoi il faut jamais replanter un petit plant trouvé en forêt ou "offert" par un ami généreux. Seuls les plants achetés en pépinière, dûment sélectionnés, donneront à coup sûr des fruits. Ce qui n'empêche pas en année capricieuse au moment de la floraison, de voir une récolte nulle sur un arbre femelle, que l'on aurait tort de prendre alors pour un individu mâle…
La drupe
L'ornement du Houx est donc un fruit rouge corail appelé drupe, qui persiste en théorie sur l'arbre jusqu'en février, si les merles l'ont ignoré. Les ridicules fleurs blanches qui l'ont formé en juin sont bien discrètes.
Une famille de f'houx
On devrait presque dire les Houx, car les Ilex sont finalement nombreux.
Les Houx sont tous dotés d'un feuillage persistant et coriace, presque verni, dont les feuilles terminales presque rondes sont différentes des feuilles du bas de l'arbuste, celles que l'on connaît, aux angles épineux.
Le Houx commun, Ilex aquifolium, mesure de 5 (en forêt) à 15 mètres, avec un bois dur, à écorce brillante et verte. On le retrouve dans les jardins et surtout les parcs, un peu comme l'If, où sa silhouette particulière en toutes saisons a sa place. On en trouve maintenant des variantes horticoles, ‘Alaska’ et ‘J. C. Van Tol’ notamment, très fructifères. Encore plus fort, mais moins traditionnels, ‘Argenteomarginata’ et ‘Madame Briot’ (fruits clairs), ont en outre des feuilles marginées de blanc pour le premier, de jaune pour le second.
Les Houx américains sont carrément bissexués. À tel point qu'il faut planter une variété mâle pour polliniser une autre variété femelle, sélectionnée pour ses fruits. Comme pour les kiwis par exemple. Cette nouvelle génération fructifie incroyablement, et fait preuve d'une résistance au froid incomparable.
Par ailleurs le Petit Houx, Ruscus aculeatus, n'a rien à voir, si ce n'est dans nos forêts son allure de Houx bonsaï.
Sortons de nos frontières pour citer encore Ilex paraguyensis. C'est le Maté de l'Amérique centrale, ou Thé du Paraguay, riche en vraie caféine, comme le Caféier, et auquel on attribue foule de propriétés bienfaisantes.
Pour finir, Houx vient du celte hoyw, qui signifie vert, au temps où seul le Houx commun était connu. Ce sont les latins qui ont utilisé ce nom de Houx les premiers, pour nommer la ‘yeuse’ ou Chêne vert. Linné a renommé le Houx, mais a laissé une trace sur le chêne vert : Quercus ilex. On retrouve aussi le vocable de aquifolium (en latin ‘feuilles aigües’) dans le Mahonia (Mahonia aquifolium) qui ressemble un peu au houx par son feuillage dentelé.
Du bon usage du Houx
Il est utilisé aujourd'hui en décoration pour ses rameaux de plus en plus porteurs de fruits, grâce à l'horticulture !
On peut utiliser son bois solide et lourd en sculpture, comme le buis, où son aspect lustré et sa teinte claire font merveille. Mais d'abord foncez au jardin, les merles sont là !
Gui : qui es-tu ?
Des mœurs bien étranges
Voilà bien une plante que nous regardons toujours de travers.
Avec sa forme globuleuse, presque sculpturale, résultat d'une ramure régulièrement divisée, nous côtoyons le Gui partout dans nos contrées, et nous sentons bien que son mode de vie le distingue de tous.
Ni parasite (car il se nourrirait alors entièrement aux dépends de son hôte), ni "saprophyte" (son hôte ne serait qu'un support passif), le Gui, encore plus malin, est un hémi-parasite. Voilà pourquoi il est toujours vert, puisque ses parties aériennes chlorophylliennes le nourrissent un peu, mais il suce quand même la sève de son hôte malheureux grâce à de solides suçoirs implantés dans les tissus qui le supportent.
Sa reproduction est par contre classique : il fleurit certes discrètement au printemps, puis forme des fruits visqueux, blanc nacré, qui s'accrochent aux branches inférieures et surtout au bec des oiseaux, tel le sparadrap du Capitaine Haddock. Il se propage ainsi astucieusement. Son nom si l'on peut dire, lui colle à la peau : Viscum album.
Des victimes bien choisies
La plupart des espèces du Gui sont exotiques. Passons sur l' "autre" gui, le Gui de l'Oxycèdre, carrément sans feuilles et presqu'inaperçu, et qui habite nos forêts méridionales de Genévrier.
Le plus répandu chez nous est Viscum album. C'est "LE" Gui. Pas seulement sur le pommier et le peuplier, mais aussi le frêne et divers pins et saules. Les vaches en raffolent, mais n'ont pas le cou assez long (ça viendra peut-être) pour en débarrasser les pommiers qui en souffrent beaucoup.
Et le chêne dans tout ça, une légende ?
Du temps des druides
Eh bien non, car le Gui l'attaque, mais rarement. Ce qui explique peut-être sa vénération par les anciens de l'Europe septentrionale, qui lui accordaient des propriétés magiques. Les druides (d'ailleurs du grec drus, chêne) portaient au couple gui-chêne une vénération unique. Vêtu d'une tunique blanche, le druide montait au chêne et coupait avec une serpe d'or la boule de Gui. On la recevait sur un linge pur, afin qu'il ne soit pas souillé à terre. Mais ce n'est pas tout : la cérémonie se doublait d'un sacrifice rituel, on immolait deux taureaux blancs, et les druides adressaient aux dieux leurs imprécations et autres demandes de clémence.
Aujourd'hui mis en valeur pour les fêtes de fin d'année, ses propriétés magiques demeurent ! On le pend à la porte d'entrée pour protéger la maison et apporter à la maisonnée des bienfaits pour toute l'année. Mais en passant, gare aux fruits en quittant vos hôtes après les fêtes, le gui est vraiment une plante très attachante…
Les clémentines de Noël
De mandarine à clementine…
Pour en parler il faut bien faire un (tout petit) peu de botanique.
Les clémentines font partie de la plus importante famille de fruits au monde, les Agrumes. Les Agrumes forment des baies souvent savoureuses et les différentes espèces sont toutes des Citrus : Orangers, Citronniers, Pamplemoussiers, Pomélos, Mandariniers, Clémentiniers, mais aussi Combayas et bien d'autres, inconnus chez nous mais d'usage intense sous d'autres climats.
On se souvient aussi des Bigaradiers (le fameux goût du Cointreau), Cédratiers (fruits confits…), Bergamotiers (essence du même nom), Limoniers (Citronnier d'intérieur) et autres Calamondins (Oranger d'intérieur).
Ils s'écrivent au pluriel, car dans chaque groupe, la sélection a produit quantité de nuances intéressantes : oranges sanguines (comme son nom l'indique), maltaise, valencialate (tardive, comme son nom l'indique aussi !) et bien d'autres ; citrons verts (ou lime, qui n'est pas un citron pas mûr…), citrons rouges, etc… ; les pomélos ne sont pas des pamplemousses améliorés, mais une espèce distincte. Outre les jaunes de notre enfance, les roses bien connus, on trouve maintenant des verts israëliens du nom de Sweetie.
Sans compter les hybrides interspécifiques de Citrus, comme le Citronnier Meyer, hybride d'Oranger et de Citronnier.
En décoration, on aime les feuilles géantes du citronnier et les petits fruits du kumquat, que l'on gobe entiers, frais ou confits ! Nous finissons cette liste par le Kumquat, car foi de jardinier, c'est bien le plus prometteur de tous, nous y reviendrons en conclusion !
Les Mandariniers sont des arbres exigeant en chaleur. Le parfum de la mandarine est musqué, sa chair sucrée, sans plus. Et elle est bourrée de pépins !
Les Clémentiniers communs en sont issus, par un semis de hasard découvert presque récemment, en 1902, par le Révérend-Père Clément qui était directeur des cultures de l'orphelinat local à Oran. Découvert ou plutôt créé par hybridation, entre un Mandarinier et une espèce de Bigaradier. Toujours est-il que le résultat, chair fine presque sans pépin et peau fine facile à éplucher, se répandit comme une traînée de poudre. Et l'on a bien du mal aujourd'hui à trouver encore de vraies "mandarines".
Par contre, bien des concurrents lointains à la clémentine ont été tentés depuis sur le marché : Satsuma (Citrus unshiu), Tangérine (Citrus tangerina), Jaffarine entre orange et clémentine, et enfin celle qui fait un tabac sur nos étals à l'heure actuelle : Clémenvilla, qui reprend le nom de notre révérend-inventeur, est très ferme, juteuse et au parfait équilibre sucre-acide, à peau fine et solide et dont l'épluchage s'avère plus récalcitrant. ,Elle est plus grosse qu'une clémentine, En bref, rien ne vaut le charme d'une vraie clémentine.
La clémentine (nommée Citrus clementina par certains botanistes), est largement cultivée dans le monde, sans plus. De nombreuses sélections existent, c'est pourquoi on trouve quelquefois des pépins plus abondants. Il nous en arrive maintenant tout l'hiver, dès fin octobre, ce qui tue le charme… car décembre est le mois des clémentines, et la Corse est son Eden.
…De clementine à clementine de corse…
Mais qu'a-t-elle donc cette Clémentine de Corse ? Des feuilles, pardi ! Et c'est ainsi qu'on l'identifie, pour jouir ensuite de ses qualités gustatives authentiques.
Car le terroir et le climat corses lui conviennent. De plus les corses ont su lui donner une identité par le choix et la sélection à partir des meilleures variétés espagnoles et marocaines, qui ont une saveut d'authentique clémentine. Le tout couronné par un marketing impeccable mais gonflé sur le plan technique: on les cueille et on les vend avec les feuilles !
Cela n'est pas sans poser de problème. Bien sûr c'est un signe de fraîcheur très parlant, mais les clémentines corses sont cirées par des cires naturelles, comme tous les Agrumes. Car on ne saurait plus acheter un Agrume non ciré ! Et les machines qui appliquent ces cires n'aiment guère la présence des feuilles.
Et un dernier mot : les Clémentines (et pas seulement les corses) sont fêtées le 28 septembre.
…Et de clementine de corse à kumquat
Comme promis, finissons par notre chouchou, plutôt proche de la clémentine, le Kumquat. Sous le joli nom de Citrus fortunella, se cache le plus prometteur des agrumes. Car il en existe plusieurs sortes à peau plus sucrée que la chair, qui vous éclabousse de fraîcheur, dans le genre indian-tonic. Confits dans le sucre, ils se conservent et sont un plaisir fondant entre les repas de fête.
Par ailleurs, c'est un joli petit arbre d'allure chétive et pourtant résiste au froid très largement en-dessous de zéro, ce qui permet de le cultiver en pleine terre un peu partout. Car le bougre, au lieu de s'activer à fleurir en plein hiver comme les autres agrumes, ce qui les fragilise, hiverne pour ne fleurir qu'en début d'été. En pot, il décore la terrasse et survit bien en appartement : qui dit mieux !
Les fraises de Noël… Le cadeau de l'arbousier
L'arbousier [Arbustus Unedo L.] est originaire de la région méditerranéenne, de ses maquis et de ses terres siliceuses. Comme la bruyère, souvent présente à ses côtés, il appartient à la famille des Ericacées.
Une particularité botanique fait tout son charme : l'arbousier produit des fleurs blanches en grappes et des fruits rouges en même temps, et ce, tout au long de l'année. Au coeur de l'hiver, avec son feuillage vert persistant, il fait irrésistiblement penser à un sapin de Noël !
Ses fruits sont comestibles un an après la floraison : rouges, ronds, hérissés de petites pointes à la peau légèrement granuleuse. Crue, leur saveur un peu fade ressemble à celle d'un abricot aigrelet ! Ces "fraises de Noël" méritent d'être préparées en marmelade ou mieux distillées en eau-de-vie comme l'avaient bien compris les moines du moyen-âge. En Corse, dans la région du Fiumorbu, les arbouses sont mises à macérer dans un tonneau de bois recouvertes de terre pour que l'air ne puisse pas oxyder la préparation. La macération dure deux mois, puis les fruits sont passés à l'alambic… Mais vinaigres, miels et crèmes existent également…
Au-delà des anecdotes, l'arbousier est intimement lié au savoir populaire méditerranéen. Depuis l'antiquité, cet arbuste est sacré car associé aux rites funéraires. On déposait quelques-uns de ses rameaux sur les cercueils dans un espoir d'immortalité. Aujourd'hui encore, les marabouts berbères d'Afrique du Nord choisissent ses branches pour éloigner les démons lors d'exorcismes. Plus quotidiennement, l'arbousier est toujours utilisé en Corse comme bois de chauffage et il est présent dans de nombreux proverbes et expressions.
Sources
- Le livre des superstitions, mythes, croyances et légendes par Eloïse Mozzani, Robert Laffont, 1995
- Arburi Arbe Arbigliule, "Savoirs populaires sur les plantes corses"