Le Noël provençal
La Sainte-Barbe
Les calandes de noël commencent le 4 décembre, jour de la Sainte-Barbe. Ce jour là, de nombreux provençaux sèment des graines de blé ou des lentilles dans des soucoupes couvertes de coton humecté.
Trois semaines plus tard, si les semences germent bien, les soucoupes orneront la crèche ou la table du gros souper. La tradition veut que la qualité des pousses soit un présage pour l'année à venir.
Ainsi, des pousses trop courtes, clairsemées ou jaunies annoncent une mauvaise année de récolte, par contre, si les pousses germent bien, la récolte sera abondante.
Noël est bien sûr une fête religieuse avec ses traditions.....
La bûche de Noël
La soirée du 24 décembre commence par le "cachofio". Ce terme désigne la mise à feu de la bûche de Noël, qui doit ensuite se consumer pendant trois jours. On verse par trois fois du vin ou de l'huile d'olive sur la souche avant de la faire flamber dans la cheminée.
Voici la formule traditionnelle que le plus agé des participants "au gros souper" récite en arrosant de vin cuit la bûche traditionnelle que l'on met au feu :
Alegré ! alegré
Mi béus enfant, Diéu nous alegre !
Emé Calendo tout bèn vèn...
Diéu nous fague la graci de véire l'an que vèn,
E se noun sias pas mai, que noun fuguen pas mens !
La traduction :
Allégresse !allégresse
Mes beaux enfants, Dieu nous réjouisse !
Avec Noël, tout vient bien..
Dieu nous fasse la grâce de voir l'an qui vient,
Et si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins !
Tradition très ancienne et commune à plusieurs pays, ce rituel revêt des significations multiples : adoration du feu, rite de fécondité, culte des ancêtres…
Le gros souper
La veille de noël, avant la messe de minuit, avait lieu le gros souper. Ce repas était servi sur une table recouverte de trois nappes blanches et décorées de trois chandeliers, symbole de la Sainte Trinité.
On y trouvait le Pain Calendal, entouré de douze petits pains ( Jésus Christ et ses douze apôtres ). Ce pain était décoré de branches de myrte ou de petit houx. La première part était donnée aux pauvres.
La table était mise sans oublier l'assiette réservée au premier pauvre qui passerait.Par tradition, ce repas était composé de plats maigres-morue, choux-fleurs ou cardons à la sauce blanche - et de treize desserts dont le nombre rappelle Jésus et les douze apôtres.
De même, si la composition de ces desserts se partageait en trois familles - la galette, les nougats et les fruits - à l'intérieur de chacune de ces familles, il pouvait y avoir des variantes d'un village à un autre.
La galette plate et trouée tient du pain et de la brioche. La pâte est faite avec de la farine, des œufs, de l'huile d'olive, un peu de levain et de l'eau de fleur d'oranger. On l'appelle fougasse, fouasse, pompe ou gibacié.
Le nougat blanc et le nougat noir étaient préparés avec du miel chauffé dans lequel étaient versés quelques morceaux de sucre et des amandes grillées.
Les fruits étaient nombreux. Parmi eux, les mendiants : noix ou noisettes, figues sèches, amandes et raisins secs. Ce nom leur a été donné en raison de la similitude entre leur couleur et celle de l'habit des moines appartenant aux ordres mendiants : noix et noisettes pour les augustins, figues sèches pour les franciscains, amandes pour les carmes et raisins secs pour les dominicains.
Les raisins blancs et les raisins noirs, les pommes, les poires, les mandarines, les oranges, mais aussi les châtaignes et les dattes complétaient les fruits secs.
Des tartes, des confitures et d'autres friandises pouvaient accompagner, selon les lieux, les desserts déjà cités.
Puis a lieu la veillée, moment privilégié de recueillement, de souvenirs en commun et de chants en langue provençale.
La messe de minuit
La messe de minuit est la première des trois messes célébrant la naissance du Christ ; autrefois, les bergers venaient de très loin pour y assister.
En Provence, un rôle très important est donné aux bergers et à la cérémonie de l'offrande de l'agneau (ou pastrage, encore pratiqué dans certaines communes, notamment dans les baux de Provence ), peut-être par réminiscence des traditions pastorales de la région.
Les cloches sonnent, appelant les fidèles à se presser vers l'église. Bergers et bergères chantent avec ferveur. Devant l'autel, l'agneau est présenté à l'Enfant Jésus par le prieur qui fait le récit du long voyage que les pélerins ont dû faire avant l'adoration.
À Marseille, ce sont les pêcheurs, vêtus de leur ciré jaune, qui, traditionnellement font l'offrande du poisson à l'église Saint-Laurent.
La pastorale
La pastorale est une représentation scénique de la marche à l'étable et de la dévotion au nouveau-né. Autrefois jouée dans les églises, elle est de nos jours donnée dans d'autres lieux par des groupes folkloriques durant tout le mois de janvier.
Au XIX ème siècle, Antoine Maurel, ouvrier miroitier doreur, membre du cercle catholique de la rue Nau à Marseille, créa sous l'influence de l'Abbé Julien celle qui deviendra la plus célèbre : la pastorale Maurel.
La crèche provençale
La première crèche fut créée en 1223 par St François d'Assises à Greccio, petit village des Abruzzes en Italie. Au XIIème siècle, les crèches furent adoptées par les fervents Provençaux qui les plaçaient dans les églises, près de l'autel.
Pendant la révolution, les messes de minuit et les crèches furent interdites. Les Marseillais contournèrent la loi en créant chez eux une représentation de la Nativité : la tradition d'une crèche dans chaque maison était née.
C'étaient alors des boîtes vitrées contenant des personnages :
- en verre filé ( spécialité de Nevers )
- en mie de pain vernie ( spécialité marseillaise )
- en carton pâte…
Vers la fin du XVIII ème siècle, sont crées les premiers santons d'argile, fabriqués à l'aide de moules de plâtre. En 1803, s'ouvre à Marseille la première foire aux santons.
La crèche traditionnelle représente le hameau provençal typique où chaque participant de la vie communautaire trouve sa place : le berger, le meunier, le boulanger, la poissonnière, le pêcheur, le musicien,, les moutons, chiens et oiseaux, etc.
La crèche se fait le 24 décembre et doit rester exposée jusqu'à la Chandeleur.
Les santons de Provence
Le premier santon de Provence fut ébauché à Marseille. Ces statuettes sont fabriquées à partir d'un moule en plâtre, avec une terre très fine ( de Salemes ou d'Aubagne) vieillie en silo pendant vingt ans.
Elles sont ensuite ébarbées et mises à sécher à l'ombre. L'artisan les peint à la gouache, en passant d'abord les couleurs claires puis les foncées.
Les crèches parlantes
Pendant toute la période où s'exposait la crèche, une coutume voulait que l'on se réunisse le soir, devant elle pour des chants de noël. Cela éveilla chez certains l'envie de donner vie à la crèche. Et ce fut la création de petits théâtres, aux décors parfois somptueux avec bruitages, éclairages, dialogues, où se déplaçaient sur plusieurs plan inclinés des marionnettes.
La première crèche parlante apparut à Marseille vers la fin du XVIIIème siècle. Elles connaissent un grand succès et se développent pendant tout le XIXème dans toute la région.
La crèche de Noël : astuces de passionné
Depuis ma plus tendre enfance, quelques jours avant Noël, j'ai toujours vu réaliser sur la commode familiale, une crèche accueillant une collection de nombreux santons. Tour à tour, mes frères et sœurs plus âgés, ont eu l'honneur de devenir maîtres d'œuvre en essayant de rivaliser d'imagination pour créer une ambiance de solennité, de vrai, en rapport à la nuit de la nativité.
J'ai commencé à confectionner ma première crèche alors que mes enfants étaient tout petits. Nous avions alors acheté seulement 5 figurines : Joseph, Marie, Jésus, l'Ane et le Bœuf. En toute logique, il fallait "bâtir" l'étable, symbole de l'accueil du Messie.
Selon la tradition familiale, les matériaux de construction devaient avoir pour origine la "récupération" ; une planchette de bois (le sol), un morceau de grillage à petit maillage et un sac de plâtre d'un kilo (murs = plâtre armé), du carton ondulé (toit) sont assemblés en respectant l'usage des outils indispensables des artisans du bâtiment : le mètre et l'équerre.
Un long séjour en Provence pendant les mois d'automne et d'hiver 1988 m'a convaincu de la nécessité absolue de recréer cette ambiance du sud de la France. Quiconque fera l'essai de contempler une crèche provençale en écoutant la "Pastorale" d'Yvan Audouard trouvera les autres représentations un peu fades.
D'année en année, les bergers et autres santons célèbres ont rejoint la famille sainte. De même, au rythme d'1 à 2 nouvelles pièces par année, une maison, un pigeonnier, une cabane de vigne, une mairie, un hangar, un moulin, un pont, une cabane de gardian sont venus aggrandir la collection.
La technique des maisons a quelque peu peu évolué. Elles sont maintenant confectionnées avec des planchettes sur lesquelles un revêtement est appliqué en donnant un aspect "maçonnerie".
Ponctuellement, des petits éléments de mobilier, des accessoires divers (râteliers, seaux, pots de fleur, casier à crustacés...) sont venus compléter en apportant un peu de vie.
Quelques conseils de fabrication:
- les volets proviennent de bâtons de glace recoupés.
- les fenêtres sont fabriquées avec des fragments d'allumettes.
- les seaux et les pots de fleurs sont des bouchons de dentifrices.
- le toit de chaume de la cabane est fait à partir de brins de ficelles coupés et collés comme de petits pinceaux les uns à coté des autres.
- Les cyprès sont des morceaux compactés d'un lichen spécial trouvé sur des pins.
- Le trépied, support du chaudron, est réalisé avec des morceaux de brochettes.
- Le chaudron, en plomb, a été moulé dans un morceau de plâtre.
- Le bec verseur de la fontaine est issu d'une recharge de stylo bille. Les quelques éléments achetés sont :
- Les pots de peinture type "maquette" à 2€ pièce.
- Les supports plus ampoules type "train électrique" à 2 € pièce également car l'ensemble est éclairé créant une féerie très appréciée des plus petits.
Quelques heures de loisirs associées à un peu de patience et l'effet est assuré. Ce que je recherche maintenant : de la place pour étaler l'ensemble des pièces dont les limites ne sont pas programmées !
Recette spéciale Noël provencal : Pompe à l'huile des 13 desserts
- 500g de farine
- 150g de sucre semoule
- 30g de levure de boulanger
- 4c. à soupe d’eau de fleur d’oranger
- 20cl d’huile d’olive
- 1 zeste d’orange
- 1 zeste de citron
- 1 jaune d’œuf
Délayez la levure dans un peu d’eau tiède. Mettez la farine et le sucre dans un saladier, versez l’huile et l’eau de fleur d’oranger et ajoutez les zestes et la levure.
Pétrissez 5mn avec un peu d’eau tiède jusqu’à ce que la pâte soit ferme et souple.
Faites une boule et laissez lever 6 heures sous un torchon dans un endroit tiède.
Séparez la boule de pâte en 2 et aplatissez les en deux disques d’environ 1cm d’épaisseur. Tracez des losanges au couteau, laissez reposer encore une heure puis badigeonner au jaune d’œuf, battu avec un peu d’eau.
Cuire 30mn au four préchauffé à 180° (Th 6).
Présentez les pompes à l’huile accompagnées de figues sèches, raisins secs, amandes, noix et noisettes, des nougats, des fruits confits, calissons,... à votre convenance